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Boxe & mondialisation : Qui a tué Davey Moore ?

9 février 2010

Davey Moore a été champion du monde de boxe (poids plume) à 26 ans et est mort à 29 ans. Le 21 mars 1963, sous le choc d’un violent crochet, il chute et se heurte la tête. Il est décédé deux jours plus tard. Bob Dylan a tiré de cette tragique histoire une chanson reprise en français par Graeme Allwright.

Pourquoi parler de ce drame sportif et de cette chanson ? Tout simplement parce que Bob Dylan a su en faire une forme d’allégorie de la responsabilité. En effet, à la question Who killed Davey Moore ? ce sont, tour à tour, l’arbitre, le public, le journaliste, le manager et l’adversaire qui répondent : ce n’est pas moi, vous ne pouvez pas dire que c’est moi qui l’ai tué. Jusqu’à l’argument final de l’adversaire :

Don’t say ‘murder,’ don’t say ‘kill.’
It was destiny, it was God’s will

Le destin, Dieu, la fatalité… serait à l’origine du malheur de Davey Moore. C’est le même dénie de responsabilité que l’on rencontre lorsque l’on parle des effets négatifs de la mondialisation et du mal-développement comme le relève Geneviève Jacques dans son livre Les droits de l’homme et l’impunité des crimes économiques.

C’est exactement contre cette réaction que nous met en garde Benoît XVI, en particulier dans Caritas in veritate, lorsqu’il nous rappelle que loin d’être étrangers à la situation de peuples qui peinent à s’engager dans la voie du développement intégral, nous sommes responsables de leur situation. Nos actes de consommation notamment mais aussi nos investissements, la façon de gérer nos entreprises… toutes nos actions ont une portée morale et influent, en bien ou en mal, sur le développement des peuples (Caritas in Veritate, not. n° 66).

Li Chunmei, elle, n’est pas une allégorie. Elle vivait en Chine où elle travaillait beaucoup. Elle a tant travaillé qu’elle a été victime du guolaosi (mort par excès de travail) après deux mois de labeur sans jour de repos, 16 heures par jour. Elle fabriquait des jouets en peluche…

Qui a tué Li Chunmei ?

14 commentaires leave one →
  1. 9 février 2010 17 h 33 mi

    Exemple tragique. Je me dis parfois que si l’on voyais toute la souffrance qui résulte de la fabrication des objets qui nous entoure, on aurait l’impression d’être les pires des criminels. Cavanaugh montre bien dans son livre que la force du capitalisme est d’évacuer totalement cette souffrance, de la cacher sans cesse au consommateurs (et les médias, financés en bonne partie par les annonceurs, ne sont pas prêts de faire leur travail dans ce domaine).

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  2. zeflair permalink
    10 février 2010 3 h 32 mi

    Mourir a cause de son travail est quelque chose de terrible, d’injuste, que ce soit en fabriquant trop de jouets a bas prix ou coince dans une mine de diamant eboulee.
    Mais je reste persuade que beaucoup de chinois ( puisque c’est de la Chine que l’on parle ) voient ces emplois comme une opportunite reelle d’ameliorer leur niveau de vie.
    C’est un peu ose de ma part mais ces delocalisations aident a attenuer les differences entre l’Ouest et l’Est.
    Ce travail surexploite est un meilleur choix que la prostitution par exemple, ou tout simplement les travaux agricoles tres lourds dans les rizieres.
    La notion de choix n’est pas la meme ici et la-bas.

    Pour ce qui est du coupable de la mort de Davey Moore, je pense que c’est avant tout son adversaire.

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  3. 10 février 2010 14 h 33 mi

    Voire la délocalisation comme un transfert de richesse, c’est un peu se voiler la face. Le salaire d’esclaves qui leur est donné est certes supérieur à la moyenne pratiquée dans leur pays, mais l’enrichissement des populations reste très lent. Les multinationales transforment des emplois à haut salaires et (relativement) bonnes conditions de travail en emplois indignes et faiblement rémunérés, tout en continuant à vendre dans les pays où ils ne produisent plus. Bref, ils appauvrissent les pays développés en enrichissant à peine le tiers-monde, et empochent la différence. On assiste principalement à un transfert des richesses de la classe moyenne occidentale vers les riches (comme le remarque Warren Buffet), et non du Nord vers le Sud.

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  4. zeflair permalink
    11 février 2010 3 h 12 mi

    Pourtant, si tu vas en Chine ou en Inde, tu y verras une classe moyenne qui n’existait pas il y a 25 ans.
    Je pense que c’est une etape dans le transfert des richesses.

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  5. 11 février 2010 9 h 28 mi

    Bien sûr qu’avec un taux de croissance à 2 chiffres, la Chine voit apparaître une classe moyenne. Mais cette classe moyenne reste relativement faible et son augmentation relativement lente, le but des entreprises étant de profiter des salaires bas et non d’enrichir les Chinois (je te recommande le livre « No logo » pour te renseigner sur les conditions de travail dans les workshop au fait).

    Et lorsque les Chinois seront trop riches, les entreprises iront chercher ailleurs les esclaves dont elles auront besoin, mondialisation oblige.

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  6. zeflair permalink
    11 février 2010 18 h 29 mi

    En tout cas, une chose est clair en te lisant, tu n’est pas coupable de la mort de Li Chunmei.

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  7. 12 février 2010 0 h 36 mi

    Les chinois cherchent sans doute à se développer et à sortir d’une forme de misère qui n’est évidemment pas préférable à la situation de beaucoup de travailleurs de l’industrie chinoise.

    Les délocalisations ou relocalisations ne sont pas nécessairement condamnables lorsqu’elle permettre un rééquilibrage entre pays, c’est vrai.

    Cependant, cette recherche est source de drame car elle reste marquée par l’avidité de beaucoup d’industriels. La mise en garde de la doctrine sociale de l’Eglise conduit à rechercher le développement authentique, ie intégral, de l’homme. Le développement actuel de la Chine n’est pas intégral ; il est aussi inhumain que certains aspects du capitalisme du XIXe siècle.

    @ Zeflaire en part. : Sur le cas de Davey Moore, c’est pour cela que je parle de la chanson qui transforme un drame en allégorie. En revanche, Li Chunmei n’est pas une allégorie…

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  8. 12 février 2010 11 h 16 mi

    A zeflair :

    Dommage. Je ne me rappelle pas m’être lancé dans des attaques personnelles. Pourtant après des phrases du genre : « Ce travail surexploite est un meilleur choix (???) que la prostitution par exemple », y avait moyen. M’enfin… Bonne route.

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    • 12 février 2010 14 h 52 mi

      @ Stellae : je ne perçois pas l’attaque personnelle ; si cela vise le dernier commentaire de Zeflair, je pense qu’il s’agit d’une boutade et peut-être (sans le vouloir? ironie ? mais il est vrai que l’ironie passe parfois mal sur internet…) d’un rappel que précisément nous sommes tous un peu responsables.

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      • 12 février 2010 15 h 51 mi

        Désolé si j’ai vu une attaque personnelle là où il n’y en avait peut-être pas. Effectivement, c’est l’un des dangers du net. Bon dans tous les cas, j’arrête de polluer ce site ^^ A plus.

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  9. 12 février 2010 15 h 36 mi

    ça me relance dans ce choix que j’avais fait un jour de ne plus acheter d’objets fabriqués en chine.

    néanmoins, on a fait la même chose au Japon, il y a
    longtemps, et maintenant, ils sont au même niveau que nous, donc je reste convaincue que c’est effectivement une étape dans l ‘égalisation entre les peuples, qui commence à exister parce que les moyens de communication ont explosé au siècle dernier, tout simplement.

    Mais oui, on peut quand même choisir le commerce équitable, ou de n’acheter que dans des pays qui respectent les droits de l’homme, car actuellement, l’argent qui entre en Chine sert plus au gouvernement pour soutenir des nuisances (de l’internet au Darfour) que pour faire progresser sa classe moyenne. Et à terme, on n’est pas sûrs que ça ne se finira pas par un massacre à échelle mondiale: ils ne répugnent même pas à soutenir des groupes musulmans fondamentalistes, comme au Soudan, alors qu’ils défendent le communisme, c’est à dire une idéologie plutôt athée. Je ne parle pas des chinois, bien sûr, mais de leur gouvernement, que je n’ai pas tellement envie d’enrichir, vu les pressions qu’ils exercent aujourd’hui sur le marché mondial: je préfère acheter local, même si dans le prix, je dois inclure la retraite et la sécurité sociale des gens qui ont planté ou fabriqué ce que j’achète: ce n’est que normal, si je veux moi aussi cette protection sociale! Ou alors, acheter Haïtien, pour les aider.

    Ce qui m’énerve, c’est quand on achète européen, et que c’est de l’arnaque (électroménager avec un axe en nylon pour être sûrs que c’est mort après 1 an et 1 jour, par exemple, ou frigo avec tous les systèmes d’ouvertures en rade après 6 mois et des tas de trucs aberrants: vécu!…); là, je me mets à acheter polonais, au moins, je suis d’accord avec leurs valeurs, et ils n’ont pas les moyens encore d’acheter (et donc de fabriquer) de la cochonnerie.

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  10. 12 février 2010 15 h 41 mi

    en même temps, j’avais essayé de sensibiliser des enfants en classe sur le fait que les jouets Mac Do étaient faits par des enfants esclaves, à la suite d’une info fournie par un média pour enseignants (MAIF), et j’ai eu une telle levée de boucliers de parents qui voulaient aller chez mac do sans se soucier de quoi que ce soit (et donc de l’administration) que je n’ai pas ré-édité! Je trouve ça immonde, mais nos administrations sont complètement hypocrites: droits de l’homme en façade, et intérêts personnels ou économiques dans tout le reste. donc l’éthique est bien d’un travail personnel, ne comptons pas sur les autres!

    une seule chose est sûre: c’est notre argent et rien d’autre qui les intéresse: à nous de choisir ce qu’on en fait! c’est notre seul vrai bulletin de vote.

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  11. 1 mars 2010 7 h 07 mi

    pourquoi pas:)

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