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Ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu

13 juin 2010

Ce n’est pas la règle qui nous garde, c’est nous qui gardons la règle (Dialogue des Carmélites, Bernanos)

L’Épitre de ce 11e dimanche du temps ordinaire traite du rôle de la Loi depuis l’Évangile et dans la vie chrétienne. C’est l’occasion de revenir sur la question du légalisme. Malgré les apparences, il ne s’agit pas ici d’une question proprement juridique. Pourtant, cette lecture permet de compléter une réflexion précédente sur le juridisme.

Ici la question est bien celle de la Loi, avec un grand L, celle de Moïse. Que nous dit saint Paul ? Il nous rappelle, car nous sommes sensés le savoir que

ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ… car personne ne devient juste en pratiquant la Loi.

Est-ce à dire que la Loi est inutile ? Que Jésus est venu abroger la Loi ? Nous savons bien que non. Le Christ est venu l’accomplir :

Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir  (Mt 5, 17-19).

Il n’est pas facile de comprendre ce que peut signifier accomplir la Loi (CEC). Ce n’est pas mon propos ici. Il suffit de savoir que pour les juifs, aucun homme ne peut accomplir totalement la Loi. Ainsi en disant cela Jésus dit bien qui Il est. Se faisant, il donne par sa vie, l’interprétation définitive de la Loi ; il en donne le véritable sens. Dans le même temps, Il accomplit la Loi en montrant combien elle est débordée par l’Amour et la Grâce. Le problème avec les pharisiens, c’est précisément qu’ils pensaient par leur grande vertu et leur mérite personnel s’élever au-dessus de leurs frères en prétendant respecter scrupuleusement la Loi de Moïse. Sans doute parmi eux y avait-il d’authentiques saints mais beaucoup étaient contraints de sombrer dans l’hypocrisie, l’orgueil et le mépris. C’est d’ailleurs en cela que le passage de l’Épitre aux Galates éclairent l’Évangile (et réciproquement). C’est en cela que nous sommes menacés par le légalisme et par le juridisme.

Le danger n’est pas qu’il existe des principes de justice voire des règles précises et des procédures à respecter.  Que ce soit au plan théologique (il me semble), moral ou juridique, cela ne paraît guère contestable. L’Église elle-même a son droit, un authentique système juridique, qui doit être respecté. Le droit n’est pas mauvais et le juriste n’est pas damné (bis). Le danger consiste à se croire meilleur parce que l’on respecte la loi avec un petit ou un grand l, à la limite peu importe. Saint Paul rappelle justement que la Loi est aussi à l’origine de la mort du Christ et qu’il faut l’accomplir en vivant non pour elle mais pour Dieu :

Grâce à la Loi (qui a fait mourir le Christ) j’ai cessé de vivre pour la Loi afin de vivre pour Dieu.

Par conséquent, le légalisme (orgueil de celui qui respecte la Loi) et le juridisme (orgueil de celui qui respecte le droit) sont des formes de pêché de l’esprit. Évidemment, le légalisme dont parle saint Paul, qui n’aborde pas la question juridique, est le plus grave. Il laisse entendre que le respect de la Loi permet de faire son salut à soit tout seul. Mais alors,

si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien.

C’est ainsi un mépris du don de Dieu à travers son Fils. Le juridisme est moins grave mais il conduit à charger nos frères de fautes qui sont souvent le nôtres mais que nous ne voulons pas voir. Le respect des règles et la recherche de la Justice sont nécessaires. Les exigences pastorales ne justifient pas le laxisme. Dans un discours à la Rote, Jean-Paul II rappelait que le pardon des personnes et la démarche purement pastorale sont nécessaires mais peuvent être insuffisants lorsque l’acte a des conséquences sur d’autres personnes. En revanche, en aucun cas nous ne devons tirer orgueil du respect des lois humaines ou divines. Sinon, nous nous séparerions de nos frères, voire de Dieu, pour cette vie et peut-être même plus durablement… Peut-être est-ce cela l’enfer ?

2 commentaires leave one →
  1. pourquoisecompliquerlavie permalink
    13 juin 2010 17 h 53 mi

    Wouhaou !

    Vous avez certainement raison : le pharisien fait du juridisme et du légalisme et même en remercie Dieu …

    Ce n’est pas à vous qu’il faut rappeler que le droit n’existe que parce que l’homme ne sait pas assez aimer, que les procès ne sont bien souvent que l’unique moyen de régler des questions d’orgueil – d’aucuns disent de principe -, même en droit des affaires ….

    Entre particuliers, les procès sont également bien souvent la preuve que le renoncement (aux choses et à soi) n’est plus une valeur.

    Je travaille trop en ce moment pour avoir le temps de commenter plus mais merci pour ce papier.

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    • 14 juin 2010 8 h 36 mi

      Merci pour votre commentaire. Effectivement, il ouvre bien d’autres perspectives que celles esquissées dans le billet.
      Cela me fait penser à Carbonnier. Si si… il disait notamment que les gens heureux n’ont pas besoin de droit. Il disait ailleurs que le renoncement (il utilisait un autre mot qui m’échappe pour l’instant) est un substitut au droit. En réalité, il se peut que ce soit l’inverse…

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