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Attention déchéance toxique (1)

6 août 2010

La question de la nationalité est toujours une question sensible pour les États comme pour les personnes. Acquérir, perdre, changer de nationalité n’est jamais quelque chose de simple et d’anodin. Le récent discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble a suscité un débat animé et un grand nombre de réaction hostile à gauche mais aussi à droite. Le point Godwin est atteint quasiment dès le début de toute conversation sur le sujet. Je ne manquerai pas à la pratique dominante. Toutefois pour garder un peu de mesure, je traiterai la question en deux petits billets : le premier est aujourd’hui consacré à la législation adoptée par le gouvernement de Vichy en matière de déchéance et de révision de l’acquisition de nationalité.

La police de la nationalité a été l’un des tout premiers soucis du gouvernement installé à Vichy. Une première loi a été adoptée le 16 juillet 1940 afin de permettre de prononcer la déchéance de la nationalité française par décret. Elle fut suivie d’une deuxième loi, du 17 juillet 1940, qui imposait à tout fonctionnaire d’être non seulement Français mais aussi né de père français. Près de 2300 fonctionnaires, soit 3/1000, ont été révoqués sur le fondement de ce texte en moins de six mois (selon Robert Aron, Histoire de Vichy, p. 236). Même si le chiffre peut paraître modeste, il s’agit d’un scandale dans l’histoire française. Cela s’est passé en France alors que cinquante plus tôt, ainsi que le rappelle Robert Aron, la France s’était divisée sur le cas d’un seul homme, un capitaine de l’armée française nommé Dreyfus.

Une troisième loi du 22 juillet 1940 a organisé une révision de toutes les acquisitions de nationalité française intervenues depuis la loi du 10 août 1927.

Ce sont plus de 15 000 personnes qui auraient ainsi été déchues de leur nationalité française en quatre ans. Une étude de l’application de la loi a fait apparaître une certaine application antisémite du texte (B. Laguerre, Les dénaturalisés de Vichy).

Enfin, le 23 juillet 1940, une loi a permis de prononcer la déchéance des Français qui ont quitté le territoire métropolitain entre le 10 mai et le 30 juin 1940 pour se rendre à l’étranger sans ordre de mission. Les premiers résistants, comme le Général De Gaulle, ont ainsi perdu leur nationalité française au regarde la législation de Vichy.

Tous ces textes ont été appliqués par une administration, commentés par des universitaires, sans guère de protestation. C’est là finalement le plus étonnant (je reviendrai sans doute sur ce point dans un autre billet). L’idée même de retrancher des personnes de la communauté nationale a été au cœur de la politique du gouvernement de Vichy avant même l’infâme statut des juifs d’octobre 1940. Cela était manifestement préparé de longue date et on doute sérieusement aujourd’hui d’une version traditionnelle qui voulait que cela soit une forme de concession pour faire plaisir aux nazis.

Le principe de la déchéance de la nationalité française a existé en dehors du gouvernement de Vichy mais il est le seul, jusqu’à maintenant, à en avoir fait un instrument de politique dépassant quelques cas particuliers.

à suivre…

en attendant un petit pearltree ici sur les migrants et l’identité nationale

5 commentaires leave one →
  1. 6 août 2010 23 h 19 mi

    bon, au début, je voyais pas tellement le problème,
    vu la disproportion entre un policier qui se fait tirer dessus et perdre sa deuxième nationalité pour quelqu’un qui de toutes façons risque 30 ans de prison : j’ai connu un violeur, non récidiviste, qui a été obligé pour une période de l’ordre de 10 ans (après les 5 ans de prison) de ne plus approcher du département de sa victime, où pourtant habitaient ses enfants et toute sa famille! Il a revu ses enfants quand ils étaient majeurs.
    Et c’était en France, il y a une trentaine d’années.

    mais c’est vrai que ça participe de rouages malsains, ou qui peuvent le devenir.

    Sinon, pour les points de Godwin, je trouve que c’est un truc qui empêche toute référence au 3è Reich, et comme on a de plus en plus de pseudo-nazismes qui naissent de ci de là, il me semble que ça ne sert qu’à interrompre le débat quand il commence à pointer du doigt des trucs inacceptables: ici, on en a une très belle illustration.

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  2. 7 août 2010 6 h 16 mi

    Balle des déchus
    « Tous ceux qui figurent sur cette liste noire vont bientôt être déchus de leur nationalité :
    1- Les arabes qui se font passer pour des français
    2- Les français qui se font passer pour des arabes.
    3- Les juifs qui se font passer pour des non-juifs.
    4- Les musulmans qui se font passer pour des musulmans.
    5- Les crétins qui se font passer pour des chrétiens.
    6- Les femmes voilées, les hommes barbus et les enfants qui nous marchent sur les pieds.
    7- Les fils, petits fils et arrière petits fils qui ont commis un délit de faciès.
    8- Les barbares qui pratiquent l’excision et exhibent sur la voie publique leur circoncision
    9- Tous ceux qui s’attaquent aux gens d’armes alors qu’il y a tant de gens désarmés qui ne sont même pas inquiétés.
    10- Les noirs qui parlent mal notre langue sous prétexte qu’ils ne sont pas là pour nous rouler une pelle !
    11- Tous ceux qui ne mangent pas de porc, ne boivent pas de vin et n’aiment pas nos chiens. »
    http://www.tueursnet.com/index.php?journal=Balle%20des%20dechus

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  3. jean316 permalink
    17 août 2010 21 h 33 mi

    Merci pour cette petite photocopie de Journal Officiel. Un élément intéressant : on constate que le Maréchal employait le pluriel de majesté (« Nous décrétons, etc »), au lieu de l’impersonnelle 3ème personne du singulier (« Le Président de la République promulgue, etc ») aujourd’hui d’usage (et qui devait déjà l’être sous la IIIème République ».

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